Home Quatrième semaine de l’Avent

Quatrième semaine de l’Avent

Quatrième semaine de l’Avent, par Laurence Freeman

Ce qu’il y a d’extraordinaire avec la Nativité c’est qu’elle est tellement ordinaire – mises à part la multitude d’anges et la visite des Rois mages qu’on peut considérer comme des compléments symboliques. Ils font pourtant comprendre combien est merveilleux ce nouveau membre de l’espèce humaine – une de ces personnes dont l’existence nous permet de dire que nous sommes vraiment homo sapiens. Cependant le merveilleux brille dans l’ordinaire, comme les lumières du sapin de Noël au moment de rentrer dans une pièce plongée dans l’obscurité.

Jésus n’est pas né dans une famille frappée par la misère mais dans une famile d’artisans, il n’était ni prince ni membre d’une élite. Bien d’autres ont fait l’expérience de ne pas trouver de chambre d’hôtel au moment d’une grande exposition dans la ville.  Il est né dans une mangeoire, ce qui pourrait signifier ‘là où on met les moutons’. Plus tard on disait que cela s’est passé dans une grotte. Origen pensait qu’il s’agissait éventuellement  d’une grotte où on gardait les moutons, peut-être sur un site ancien associé au dieu Tammuz, le saint patron des bergers. Peu importe les faits réels, les bergers occupent un rôle central dans le tableau symbolique. Plus tard Jésus disait qu’il était le ‘bon berger’ et la représentation artistique la plus ancienne le montre en jeune berger qui porte la brebis perdue (une chèvre en réalité) sur les épaules. Autrefois en Israël, quand les bergers étaient des nomades, ils jouissaient d’une bonne réputation publique, mais du temps de Jésus ils étaient devenus une classe méprisée. D’après les circonstances de sa naissance, tout cela suggère que Jésus était à la hauteur des riches et des puissants mais qu’il avait une préférence pour les pauvres et les marginalisés.

Le Verbe éternel qui a pris chair dans une grotte à Bethléem nous forme aussi et prend forme en nous dans nos vies ordinaires. Tout ce que nous faisons, pensons, disons, tout ce qui nous tombe dessus et nous demande de réagir, consciemment ou inconsciemment, influence ce processus de formation. Saint Paul, en tant qu’accompagnateur spirituel de différentes communautés, a fait l’expérience des douleurs de l’enfantement, tout comme ‘le Christ est formé en vous’ (Gal 4:19). Il s’agit d’un accouchement, l’incarnation de la Conscience Divine, qui a lieu dans notre for intérieur; et pourtant ceux qui habitent avec nous s’en rendent compte, surtout ceux qui s’intéressent tout particulièrement à nous comme nous nous intéressons à eux. C’est bien cela vivre l’expérience de l’intimité personnelle et  vivre en communauté.

Le Frère Laurent, frère convers dans un grand monastère carmélite à Paris au 17ème siècle, était connu pour la profondeur de son expérience de Dieu. Il rayonnait  la présence divine et permettait à d’autres d’en prendre conscience. Obligé  de faire le marché tous les jours et de marchander le prix des courses il devait ensuite s’occuper d’une grande cuisine animée. Il racontait qu’il avait davantage conscience de la présence divine à cet endroit-là que dans la chapelle. Le but de la méditation et aussi de l’Avent est la conscience permanente de la présence du Christ et cela s’achève là  maintenant au moment de la saison de Noël.

Le message nous dit de ne pas être trop pieux, trop susceptibles, trop artificiellement élitistes dans notre conscience de vivre la naissance du Verbe. Le Frère Laurent avait compris la merveilleuse révélation de Dieu dans l’ordinaire et que cela ne veut pas dire que nous devons avoir un air spécialement pieux, mais être simplement nous-mêmes : ‘Nous devons nous appliquer sans cesse à cette seule fin, et faire de toutes nos actions autant de petits actes de communion avec Dieu; mais sans être trop volontaires, ils doivent venir spontanément, d’un coeur pur et simple.’

A mesure que le Verbe prend chair dans mon corps, mon esprit, mes émotions et toutes mes relations, ce que je suis vraiment prend de plus en plus corps avec le Verbe. C’est bien sûr la raison principale pour laquelle nous disons ‘Joyeux Noël ‘ et non pas seulement ‘bonnes fêtes’. Alors: ‘Joyeux Noël!’.