Home 2021 mars 14 Lectures hebdomadaires – Nos dépendances

Lectures hebdomadaires – Nos dépendances

Laurence Freeman OSB, extrait du Bulletin trimestriel, Vol 30, n°1, mars 2006

L’addiction n’est que la conséquence tragique d’une erreur d’identification. Nous pensions que cette substance ou cette activité allait nous aider à trouver ce que nous cherchions. En réalité, elle s’est avérée être un démon déguisé en ange de lumière. Notre soif de Dieu a été déviée et nous buvons plutôt du poison. Lorsque Cortez, l’envahisseur espagnol du XVIe siècle, arriva sur la côte mexicaine, les Aztèques crurent qu’il était l’accomplissement de leurs prophéties religieuses. Ils l’embrassèrent et l’accueillirent avant de découvrir au prix de leur culture tout entière qu’ils s’étaient trompés.

On s’agrippe toujours à ses sauveurs imaginaires sans se rendre compte qu’aucun sauveur véritable ne permet qu’on s’agrippe à lui. Le vrai guérisseur laisse le lien se nouer, mais ne le laisse pas dévier dans l’addiction. Pour les premiers chrétiens, Jésus était un médecin de l’âme plutôt que le fondateur d’une nouvelle religion. Son sens profond – et tous ces niveaux d’identité ouverts par sa question « Qui dites-vous que je suis ? » – ne se laissaient découvrir que dans la liberté qu’il offrait à ceux qui apprenaient de sa douceur et de son humilité. Ceux surtout qui acceptaient le joug léger de son amitié. Abandonner cette liberté pour une autre dépendance, c’est manquer le reconnaître.

 

Après la méditation

 

 

Denise Levertov, extrait de « The Showings : Lady Julian of Norwich, 1342-1416 » [Les apparitions: Lady Julienne de Norwich, 1342-1416], in The Stream & the Sapphire, NY, New Directions, 1997, p. 58.

Comme nous, elle a vécu des temps sombres :
la guerre et la peste noire, la faim, les conflits, les tortures, les massacres.
Elle savait tout cela, elle le ressentait
avec tristesse, avec douleur,
secouée comme un tissu
secoué par les hommes dans le vent.
                                                                             Mais Julienne, Julienne…
Je me tourne vers toi :
tu t’es accrochée à la joie,
alors que les larmes et la sueur coulaient sur ton visage,
pareilles au sang que tu regardais couler en perles innombrables,
comme coule la pluie des toits :
accrochée fermement comme un acrobate, par les dents,
à une fine toile d’araignée tendue en l’air,
à ta foi profonde en la miséricorde infinie,
témoignée à tes propres yeux,
à ton regard qui se porte hors de ta petite chambre,
dans la vision intérieure de ton esprit sans entrave –
une connaissance que nous aimerions partager :
L’amour en était le sens.