Home 2020 janvier 05 Lectures hebdomadaires – Voir la réalité

Lectures hebdomadaires – Voir la réalité

Laurence Freeman o.s.b., Aspects of Love: On Retreat with Laurence Freeman, London, Medio Media, 1997, p. 54.

Nous pouvons apprendre à regarder la réalité. La voir et vivre avec, c’est guérir. Elle nous amène à une nouvelle forme de spontanéité, celle d’un enfant qui apprécie la nouveauté de la vie et de l’expérience immédiate. Il nous faut retrouver cette spontanéité pour entrer dans le royaume. C’est la spontanéité de la vraie morale, qui consiste à faire naturellement ce qui est bien, à ne pas vivre selon des règles mais selon la seule morale, la morale de l’amour. L’expérience de l’amour nous donne une capacité renouvelée de vivre avec moins d’effort, moins de combat, de compétition ou de convoitise. Car l’amour nous ouvre à ce que nous avons tous entrevu à un moment donné, d’une manière ou d’une autre : que notre nature fondamentale est joyeuse. Tout au fond de nous, nous sommes des êtres joyeux. Si nous pouvons apprendre à savourer les dons de la vie et à voir ce qu’est vraiment la vie, nous serons mieux équipés pour vivre et traverser ses tribulations, ses peines et ses souffrances. C’est ce que nous apprenons doucement, lentement, jour après jour, en méditant. La méditation nous conduit à comprendre la merveille de l’ordinaire. Nous devenons moins dépendants de la recherche de formes extraordinaires de stimulation ou de distraction. Nous commençons à découvrir dans les choses très ordinaires de la vie quotidienne que ce rayonnement qui accompagne l’amour, qui est la puissance omniprésente de Dieu, est partout à chaque instant.

 

Après la méditation

 

 

Ellen Bass, « Any Common Desolation », Poem-a-Day, American Academy of Poets, 18 novembre 2016.

N’importe quelle petite désolation

peut suffire à vous faire lever les yeux
vers les feuilles jaunies du pommier,
le peu qui survit aux pluies et au gel
dans un soleil de fin d’après-midi.
Elles luisent d’un or-orangé profond sur le bleu si pur,
un oiseau les déchirerait comme de la soie.
Vous avez peut-être le cœur brisé,
mais ce n’est pas rien de connaître ne serait-ce qu’un moment de vie.
Le bruit d’une rame contre la barque
ou d’un ruminant arrachant l’herbe.
L’odeur du gingembre râpé.
Le néon rubis de l’enseigne d’un épicier.
Des chaussettes chaudes qui vous rappellent votre mère,
sa précision cérémonieuse
lorsqu’elle repliait le coton blanc
pour le glisser sur vos orteils
en relevant le talon et en retournant le bord.
Le temps d’une respiration en traversant la cour boueuse,
la Grande Ourse déroulant sur vous la nuit,
et tout ce que vous redoutez,
tout ce que vous ne pouvez pas supporter se dissout
et, comme une aiguille glissée dans votre veine –
cette ruée soudaine du monde.