Home 2018 avril 15 Lectures hebdomadaires – La vraie intériorité

Lectures hebdomadaires – La vraie intériorité

Laurence Freeman, osb, « Le pouvoir de l’attention », La parole du silence, Le Jour éditeur, 1995, p. 50-53.

Le grand danger, qui a toujours existé mais qui est particulièrement évident aujourd’hui dans notre société narcissique et obsédée par son image, est de confondre introversion, fixation sur soi et auto-analyse avec la véritable intériorité. L’état de blessure psychologique et d’aliénation sociale qui prévaut très largement exacerbe ce danger tout en réclamant un traitement fait de douceur et de compassion. […] La vraie intériorité est l’opposé de l’introversion. Lorsque nous sommes éveillés à la présence qui nous habite, notre conscience est retournée, convertie, de sorte que nous ne nous préoccupons plus de nous-mêmes comme nous le faisons habituellement, en anticipant ou nous remémorant des sentiments, des réactions, des désirs, des idées ou des rêves éveillés. […]

Il serait plus facile, croyons-nous, de se détourner de l’introspection si nous savions vers quoi nous nous tournons. Si seulement nous pouvions fixer notre attention sur un objet précis. Si seulement Dieu pouvait être représenté par une image. Mais Dieu, le vrai, ne peut jamais être une image. Les images de Dieu sont des dieux. Une image de Dieu ne nous conduit finalement qu’à contempler une image réaménagée de nous-mêmes. Être vraiment intériorisé, ouvrir l’œil de son cœur, c’est vivre dans la vision sans image qu’est la foi ; c’est cette vision-là qui nous permet de « voir Dieu ». Dans la foi, l’attention est contrôlée par un nouvel Esprit, elle n’est plus soumise aux esprits du matérialisme, de l’égoïsme et de l’instinct de conservation, mais à l’ethos de la foi qui est par nature dépossession.

Nous devons continuellement lâcher-prise, renoncer aux gratifications du renoncement. […] Il n’y a pas de défi plus essentiel que d’entrer dans l’expérience de rester centré sur les autres. C’est l’état de joie permanente de la dépossession. On peut en avoir un aperçu en pensant simplement à ces moments ou phases de notre vie où nous nous sommes sentis au comble de la paix, de la plénitude et de la joie, et en reconnaissant que ce furent des moments où nous ne possédions rien, mais où nous nous étions oubliés en quelque chose ou quelqu’un. Le passeport pour le Royaume exige le sceau de la pauvreté.

 

Après la méditation

 

 

Thomas Merton, The Journals of Thomas Merton, vol. 5 1963-1965, New York, HarperCollins, 1997, p. 224.

4 avril 1965, dimanche de la Passion.

Petite pluie toute la nuit. Nécessité de poursuivre le travail de la méditation, d’aller à la racine. La passivité pure et simple ne convient pas à ce stade, mais l’activisme non plus. Un temps d’approfondissement sans mots, pour saisir la réalité intérieure de mon néant en Dieu qui est. En parler en ces termes est absurde. Elle n’a rien à voir avec la réalité concrète qui s’offre à la saisie. Ma prière est paix et lutte silencieuse, pour être conscient et vrai, au-delà de moi-même. Passer de l’autre côté de la porte de moi-même, non parce que je le veux mais parce que je suis appelé et que je dois répondre.