Home 2016 août 28 Lectures hebdomadaires – Silence de l’âme

Lectures hebdomadaires – Silence de l’âme

Laurence Freeman o.s.b., extrait du « Silence de l’âme », paru dans The Tablet du 10 mai 1997.

Nos pensées, nos peurs, nos rêves, nos espoirs, nos colères et nos attirances vont et viennent, fluctuent d’instant en instant. Nous nous identifions automatiquement avec ces états inconstants ou qui reviennent compulsivement, sans penser à ce que nous pensons. Lorsque le silence nous apprend combien ces états sont en réalité passagers, nous sommes face à la terrible question : qui sommes-nous donc ? Dans le silence, nous devons lutter avec la possibilité de notre propre irréalité.

Les bouddhistes ont fait de cette expérience – qu’ils appellent l’anatman ou « l’absence de soi » – l’un des piliers centraux de leur sagesse sur le chemin de la libération de la souffrance et l’un de leurs moyens essentiels d’illumination. Le pratiquant bouddhiste est encouragé à rechercher ce sentiment de l’évanescence intérieur et plutôt que de le fuir, d’y plonger tête baissée, à l’instar de Maître Eckhart et des grands mystiques chrétiens.

On comprend que l’anatman soit l’idée bouddhiste qui pose le plus de problème aux non-bouddhistes. N’est-il pas absurde, n’est-il pas terrible, n’est-il pas sacrilège de dire que je n’existe pas ? En fait, l’opposition chrétienne à l’anatman est pour l’essentiel infondée ou fondée sur une méprise. Il ne s’agit pas d’affirmer que nous n’existons pas, mais que nous n’existons pas de manière autonome, indépendante, qui est la sorte d’existence que l’ego aime imaginer détenir, la sorte de rêve d’être Dieu avec lequel le serpent tenta Ève. C’est l’orgueil démesuré auquel succombe nombre de personnes religieuses.

Je n’existe pas par moi-même parce que Dieu est le fondement de mon être. À la lumière de cette intuition, nous lisons les paroles de Jésus avec une perception plus profonde. « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il s’abandonne et prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive. Qui perd sa vie à cause de moi la sauvera » (Luc 9, 23-24). Si, grâce au silence, nous parvenons à saisir cette vérité de l’anatman, nous faisons d’importantes découvertes sur la nature de la conscience. Nous découvrons que la conscience, l’âme, est plus que le stupéfiant système de calcul, d’évaluation et de jugement du cerveau. Nous sommes plus que ce que nous croyons être. La méditation n’est pas ce que nous pensons.

 

Après la méditation

 

Extrait du Dhammapada, « Le Chemin », versets 276-279, traduit de l’édition anglaise d’Anne Bancroft, Rockport, MA, Element, 1997, p. 81.

C’est à toi de faire l’effort, l’éveillé indique seulement le chemin. Ceux qui se sont engagés sur le chemin et qui méditent se libèrent des liens de l’illusion.

Tout change. Tout apparaît et disparaît. Celui qui comprend cela est libéré de la tristesse. Ceci est le chemin éclatant.

Exister, c’est connaître la souffrance. Comprends cela et libère-toi de la souffrance. C’est le chemin radieux.

Il n’y a pas de moi séparé qui souffre. Celui qui comprend cela est libre. Ceci est le chemin de la clarté.