Home 2015 décembre 13 Lectures hebdomadaires

Lectures hebdomadaires

Laurence Freeman o.s.b., extrait du Bulletin trimestriel 2008‐3

Quand la puissance de la foi se trouve libérée en l’homme, elle nous contraint à vivre la réalité au‐delà des mots, des images et des idées. Nous découvrons alors que les filtres métaphoriques, aussi utiles et nécessaires qu’ils soient à un certain niveau, peuvent aussi (et doivent) être désactivés si l’on veut que la foi grandisse.

Comme pour toutes les propriétés universelles de l’être humain, ou bien nous grandissons dans la foi ou bien elle se flétrit et meurt. La foi porte en elle l’aspiration que nous avons tous à voir la réalité simplement telle qu’elle est. « Bien‐aimés, dit saint Jean,… ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que, lors de cette manifestation, nous lui serons semblables [au Christ], parce que nous le verrons tel qu’il est. Quiconque a cette espérance en lui, se rend pur comme celui‐là est pur » (1 Jn 3, 2‐3). Voir Dieu, c’est devenir semblable à Dieu. La pureté est la condition de cette vision. Dans la religion, la plupart du temps, si la foi est restreinte à la croyance et au rituel, la pureté signifie empiler des filtres, ajouter des couches intermédiaires les unes aux autres. Au coeur de toute religion, cependant, on trouve la connaissance mystique indéracinable que la pureté ultime est une vision parfaite de la réalité, débarrassée des filtres et de la médiation des métaphores. La plupart d’entre nous ne l’atteignent jamais en plénitude, mais l’intuition qu’il en est ainsi fait partie de la nature profonde de la foi elle‐même.

Voir la réalité telle qu’elle est, ou du moins se libérer progressivement de certains filtres, est un acte essentiel de foi. Il est l’expression du visage confiant de la foi, car l’attachement aux croyances et aux rituels de notre tradition (plutôt qu’aux croyances et aux rituels en eux‐mêmes) devient une sécurité non seulement fausse mais falsifiante. C’est pourquoi beaucoup de personnes profondément religieuses ont une aversion ou une antipathie pour la méditation parce qu’elle leur paraît (et à juste titre) mettre en danger les frontières sûres qui protègent leur vision du monde et leur sentiment d’être différents et supérieurs aux autres.

Suivre une voie de foi ne consiste pas à adhérer obstinément à un point de vue unique ni aux systèmes de croyances et aux traditions rituelles qui l’expriment. Ce serait simplement de l’idéologie ou du sectarisme et non de la foi. La foi est un chemin de transformation qui demande que l’on entre dans, que l’on traverse et que l’on dépasse nos cadres de croyance et nos observances extérieures, sans les trahir ou les rejeter, mais sans se laisser non plus prendre au piège de leurs formes d’expression. Pour saint Paul, la Voie du salut commence et finit dans la foi. La foi est donc un état d’ouverture, depuis le tout début du cheminement humain. Naturellement, nous avons besoin d’un cadre, d’un système et d’une tradition. Si nous sommes stablement établis en eux, le processus de changement se déploie et notre point de vue sur la vérité s’élargit continuellement.

Après la méditation

Mary Oliver, « Who Said This ? », in Red Bird, Boston, Beacon, 2008, p. 58.

Quelque chose a murmuré quelque chose

qui n’était même pas un mot.

C’était plutôt comme un silence,

qui était compréhensible.

J’étais debout

au bord de l’étang.

Rien de vivant, de ce que nous appellons vivant,

n’était visible.

Et pourtant, la voix pénétra en moi,

dans mon corps-vie,

avec tant de bonheur.

Et il n’y avait rien ici

que l’eau, le ciel et l’herbe.