Home 2020 décembre 05 Lectures hebdomadaires – La maturité

Lectures hebdomadaires – La maturité

Laurence Freeman OSB, extrait de First Sight : The Experience of Faith [Premier regard : l’expérience de la foi], Londres, Continuum, 2011, pp. 89-90.

Se retrouver à l’ouest de l’Eden, réaliser ce que signifient la peur et la dualité, réaliser que nous sommes divisés et effrayés, souffrant de la honte et de l’image de soi, c’est ce que nous appelons la « chute ». C’est une étape nécessaire dans le développement de l’homme. Et malgré toutes nos tentatives infantiles de régression, que nous appelons des divertissements, il n’y a pas de retour en arrière. On ne retrouve pas l’union dans un état ouroborique du passé, symbolisé par le serpent qui se suffit à lui-même en se mangeant la queue, quand nous vivions dans un monde sécurisé. L’union réside dans l’avenir, dans l’union à l’intensité du présent que nous réalisons en nous éveillant à la personne que nous sommes, là où nous sommes maintenant. [ . . .]

Nous commençons. Nous persévérons. Nous recommençons. Et il y a toujours une étape suivante, un autre sommet. Progressivement et imparfaitement, nous nous approchons de ce que nous osons appeler la maturité. Nous nous retrouvons dans une forme de communauté dont nous n’avions pas imaginé l’existence. C’est une communauté issue de l’expérience de la communion née dans le silence. Cette communauté de foi devient une communauté d’amour, formée de forces qui, sans recourir à la force ou à la rivalité, nous poussent à changer. Nous apprenons à nouer des relations au niveau spirituel ; nous apprenons à gérer la perte et la souffrance et à célébrer la croissance.

 

Après la méditation

 

W.S. Merwin, « Remerciements », in The Essential W.S. Merwin, ed. Michael Wiegers, Port Townsend, WA, Copper Canyon Press, 2017, pp. 205-206.

Remerciements

Écoute,
à la tombée de la nuit, nous disons merci
nous nous arrêtons sur les ponts pour nous incliner sur les balustrades
nous courons hors des salles vitrées
la bouche pleine de nourriture pour regarder le ciel
et dire merci
nous nous tenons au bord de l’eau en la remerciant
nous nous mettons à la fenêtre à regarder
autour de nous.

Revenant de plusieurs hôpitaux après une agression,
après des funérailles nous disons merci,
après avoir appris la nouvelle de morts
connus ou non, nous disons merci

par téléphone, nous disons merci
dans les entrées, à l’arrière des voitures et dans les ascenseurs
nous souvenant des guerres, de la police à la porte
et des passages à tabac dans les escaliers nous disons merci

dans les banques nous disons merci
face aux fonctionnaires et aux riches
et à tous ceux qui ne changeront jamais
nous continuons à dire merci merci

avec les animaux qui meurent autour de nous
en emportant nos sentiments nous disons merci
avec la forêt qui tombe plus vite que les minutes
de notre vie nous disons merci
avec les mots qui sortent comme les cellules d’un cerveau
avec les villes qui poussent au-dessus de nous
nous disons merci de plus en plus vite
sans que personne n’écoute notre merci

merci disons-nous merci en faisant des signes de la main
même si cela est sombre