Home 2019 juin 16 Lectures hebdomadaires – Se déposséder de soi

Lectures hebdomadaires – Se déposséder de soi

Laurence Freeman osb, « Le pouvoir de l’attention », La parole du silence, Le Jour, éditeur, 1995, p. 50-53.

Le grand danger, qui a toujours existé mais qui est particulièrement évident aujourd’hui dans notre société narcissique et préoccupée par son image, est de confondre introversion, fixation sur soi et auto-analyse avec la véritable intériorité. […] La vraie intériorité est l’opposé de l’introversion. Lorsque nous sommes éveillés à la présence qui nous habite, notre conscience est retournée, convertie, de sorte que nous ne nous préoccupons plus de nous-mêmes comme nous le faisions en nous observant, en anticipant ou nous remémorant des sentiments, des réactions, des désirs, des idées ou des rêves éveillés, mais nous nous tournons vers quelque chose d’autre, et pour nous, c’est toujours un problème.

Il serait plus facile, croyons-nous, de nous détourner de l’introspection si nous savions vers quoi nous tourner. Si seulement nous pouvions fixer notre attention sur un objet précis. Si seulement Dieu pouvait être représenté par une image. Mais Dieu, le vrai, ne peut jamais être une image. Les images de Dieu sont des dieux. Une image de Dieu ne nous conduit finalement qu’à contempler une image réaménagée de nous-mêmes. Être vraiment intériorisé, ouvrir l’œil de son cœur, c’est vivre dans la vision sans image qu’est la foi ; c’est cette vision-là qui nous permet de « voir Dieu ». Dans la foi, l’attention n’est plus soumise aux esprits du matérialisme, de l’égoïsme et de l’instinct de conservation, mais à un nouvel Esprit qui est par nature dépossession. Nous devons continuellement lâcher-prise, renoncer aux gratifications du renoncement qui sont immenses et donc d’autant plus nécessaires à abandonner. […]

Il n’y a pas de défi plus essentiel que de vivre dans l’expérience de demeurer centré sur l’autre. C’est un état bienheureux et continu de dépossession. On peut en avoir un aperçu en pensant simplement à ces moments ou phases de notre vie où nous nous sommes sentis au comble de la paix, de la plénitude et de la joie, et en reconnaissant que ce furent des moments où nous ne possédions rien, mais où nous nous étions oubliés en quelque chose ou quelqu’un. Le passeport pour le Royaume exige le cachet de la pauvreté.

 

Après la méditation

 

 

Thomas Merton, The Journals of Thomas Merton, Tome V, 1963-1965, New York, Harper and Collins, 1997, p. 224.

4 avril 1965, dimanche de la Passion.

Petite pluie toute la nuit. Nécessité de poursuivre le travail sur la méditation, d’aller à la racine. La passivité pure ne convient pas à ce stade, mais l’activisme non plus. Temps de l’approfondissement sans mots, pour saisir la réalité intérieure de mon néant en Lui qui est. En parler en ces termes est absurde. Rien à voir avec la réalité concrète qui doit être appréhendée. Ma prière est paix et lutte silencieuse, pour être.