Home 2017 août 06 Lectures hebdomadaires – L’esprit de dépossession

Lectures hebdomadaires – L’esprit de dépossession

Laurence Freeman, osb, « Le pouvoir de l’attention », extrait de La parole du silence, Le Jour, éditeur, 1995, p. 50-53.

Le grand danger, qui a toujours existé mais qui est particulièrement évident aujourd’hui dans notre société narcissique et obsédée par son image, est de confondre introversion, fixation sur soi et auto-analyse avec la véritable intériorité. […] La vraie intériorité est l’opposé de l’introversion. Lorsque nous sommes éveillés à la présence qui nous habite, notre conscience est retournée, convertie, de sorte que nous ne nous préoccupons plus autant de nous-mêmes qu’auparavant, anticipant ou nous remémorant des sentiments, des réactions, des désirs, des idées ou des rêves éveillés, mais nous nous tournons vers quelque chose d’autre, et c’est toujours, pour nous, un problème.

Il serait plus facile, croyons-nous, de se détourner de l’introspection si nous savions vers quoi nous nous tournons. Si seulement nous pouvions fixer notre attention sur un objet précis. Si seulement Dieu pouvait être représenté par une image. Mais Dieu, le vrai, ne peut jamais être une image. Les images de Dieu sont des dieux. Se faire une image de Dieu ne nous conduit finalement qu’à contempler une image réaménagée de nous-mêmes. Être vraiment intériorisé, ouvrir l’œil de son cœur, c’est vivre dans la vision sans image qu’est la foi ; c’est cette vision-là qui nous permet de « voir Dieu ».

Dans la foi, l’attention n’est plus soumise aux esprits du matérialisme, de l’égoïsme et de l’instinct de conservation, mais à un nouvel Esprit qui est par nature dépossession. Nous devons continuellement lâcher-prise, renoncer aux gratifications du renoncement qui sont immenses et donc d’autant plus nécessaires à abandonner.

Il n’est pas de défi plus essentiel que de faire l’expérience de demeurer centré sur l’autre. C’est un merveilleux état de dépossession permanente. On peut en avoir un aperçu en pensant simplement à ces moments ou phases de notre vie où nous nous sommes sentis au comble de la paix, de la plénitude et de la joie, et en reconnaissant que ce furent des moments où nous ne possédions rien, mais où nous nous étions oubliés en quelque chose ou quelqu’un. Le passeport pour le Royaume exige le sceau de la pauvreté.

 

Après la méditation

 

 

Mary Oliver, “October”, New and Selected Poems, Boston, Beacon Press, 1992, p. 62.

Parfois, quand l’été tire à sa fin, je ne peux rien toucher, ni
les fleurs, ni les mûres
dont regorgent les fourrés ; je ne peux pas boire
à l’étang ; je ne peux pas nommer les oiseaux ni les arbres ;
je ne peux pas murmurer mon propre nom.

Un matin
le renard est descendu de la colline, resplendissant de confiance,
il ne m’a pas vue – et je me suis dit :

Ceci est donc le monde.
Je n’en suis pas.
C’est beau.