Home 2017 avril 09 Lectures hebdomadaires – La liberté d’être soi

Lectures hebdomadaires – La liberté d’être soi

Laurence Freeman, osb, extrait du Bulletin trimestriel, Vol 30, n°1, mars 2006.

L’addiction n’est que la conséquence tragique d’une erreur d’identification. Nous pensions que cette substance, cette activité ou cette personne allait nous aider à trouver ce que nous cherchions. En réalité, elle s’est avérée être un démon déguisé en ange de lumière. … Lorsque Cortez, l’envahisseur espagnol du XVIe siècle, arriva sur la côte mexicaine, les Aztèques crurent qu’il était l’accomplissement de leurs prophéties religieuses. Ils l’embrassèrent et l’accueillirent avant de découvrir au prix de leur culture tout entière qu’ils s’étaient trompés.

On s’agrippe toujours à ses sauveurs imaginaires sans se rendre compte qu’aucun sauveur véritable ne permet qu’on s’agrippe à lui. « Ne me retiens pas… Je ne suis pas encore monté vers le Père. » Le vrai guérisseur laisse le lien se nouer, mais ne le laisse pas dévier dans l’addiction. Pour les premiers chrétiens, Jésus était un médecin de l’âme humaine plutôt que le fondateur d’une nouvelle religion. Son sens profond – et tous ces niveaux d’identité ouverts par sa question « Qui dites-vous que je suis ? » – ne se laissaient découvrir que dans la liberté qu’il offrait à ceux qui apprenaient de sa douceur et de son humilité. Ceux surtout qui acceptaient le joug léger de son amitié. Abandonner cette liberté pour une autre dépendance, c’est ne pas pouvoir le reconnaître. « Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu. » C’est un avertissement qui nous est adressé, à nous aujourd’hui, autant qu’une description de ce qu’il lui advint durant sa vie temporelle. Il ne pouvait pas être plus clair : il s’offre lui-même comme un chemin qui, à son niveau le plus profond, se comprend comme étant identique au but lui-même. « Qui croit en moi, croit, non pas en moi, mais en celui qui m’a envoyé ; et qui me voit, voit celui qui m’a envoyé » (Jn 12, 44).

On écarte facilement le paradoxe contenu dans ces paroles. On préfère les certitudes rationnelles, définissables. Et si ces modes de perception familiers inversaient en fin de compte la réalité ? Et si ce que nous appelons liberté n’était qu’addiction ?… Les Pères du désert avaient compris que pour affronter les dures vérités de notre illusion et de nos dépendances, il faut vaincre de multiples tentations. C’est aussi en grande partie le sens de cette joyeuse période…. Ils y voyaient une lutte avec les démons, mais ils savaient que ceux-ci sont à l’intérieur de nous. C’est se dérober au combat que de les projeter à l’extérieur. L’intégrité de la personne, la liberté d’être soi et d’aimer les autres, se perfectionne dans la mise à l’épreuve volontiers acceptée chaque fois que nous nous asseyons pour accomplir l’œuvre du silence.

 

 

Après la méditation

 

 

 

Rumi, “The soul’s Friend”, extrait de The Soul of Rumi: A New Collection of Ecstatic Poems, trad. Coleman Barks, New York, HarperCollins, 2001, p. 190.

L’Ami de l’âme

Écoute ton être essentiel – l’Ami : Quand tu ressens
du désir, sois patient et

aussi prudent, modéré avec la nourriture et la boisson. Sois comme
une montagne dans le vent.

As-tu remarqué comme elle bouge peu ? Des illusions
charmantes se présentent

pour t’éloigner. Donne-leur congé avec quelque excuse : « J’ai
une indigestion, » ou « Je dois

voir mon cousin ». Tu pêches, l’hameçon et son appât valent peut-être cinquante
ou même soixante pièces d’or, mais

valent-ils vraiment ta liberté dans l’océan ? Quand tu voyages,
ne t’éloigne pas de ton sac.

Je suis le sac qui contient ce que tu aimes. Tu peux
être séparé de moi !

Prends soin de vivre dans la joie de cette amitié. Ne pense pas :
« Mais ceux-là aussi m’aiment. »

Il y a des invitations qui résonnent comme le sifflet de l’oiseleur
pour la caille, amicalement, mais

pas tout à fait comme le souvenir qu’a laissé l’appel de l’Ami de ton âme.