Home 2016 novembre 13 Lectures hebdomadaires – L’intelligence catholique

Lectures hebdomadaires – L’intelligence catholique

Laurence Freeman, osb, extrait du Bulletin trimestriel, 2010-3, p. 3.

L’autre est essentiel à l’intelligence mystique et aimante. L’altérité pousse l’intelligence à lâcher ses points de fixation et à se dilater, à élargir la vue que nous avons du monde et de notre place dans le monde. … C’est un peu de cette façon que je comprends l’expression « intelligence catholique » : elle fait face ouvertement à ce que l’on ne peut décrire ou contrôler. L’intelligence catholique cherche intuitivement à inclure plutôt qu’à rejeter, même si elle rencontre en l’autre un abîme de différence […]

Nous ne devenons catholiques dans ce sens plein et inclusif que par une croissance qui consiste à franchir un à un les stades de la guérison et de l’intégration. Aucun d’entre nous, autrement dit, n’est encore catholique, pas même le pape. Il y a toujours un chemin à parcourir. Mais l’alternative à ce processus … est l’esprit sectaire qui fait de l’autre un objet, et qui, par la peur et le plaisir d’exercer son pouvoir, lui dénie sa pure subjectivité, son altérité et son être irréductible. Socialement et historiquement, c’est ce que nous avons fait aux immigrés, aux Juifs, aux homosexuels et aux autres minorités facilement prises pour cibles, et même aussi, bien sûr, à toute une moitié de l’humanité, par la violente exclusion patriarcale des femmes.

Ce genre de comportement nous exclut du tout et donc de l’Un saint. Dieu est toujours sujet, le « grand Je Suis », inaccessible à nos tentatives d’objectivation et de manipulation. Nous rencontrons cette pure émanation d’être dans le silence au tréfonds de soi, non dans l’idéologie ou l’abstraction, et de différentes manières, fondamentalement les uns dans les autres, et dans la merveille et la beauté de la création, l’océan de l’être, de la souffrance et de la félicité dans lequel nous, et même le créateur, baignons. Parce que cette croissance exige de la profondeur, et la profondeur du silence, l’intelligence catholique … a besoin de contemplation. Considérer la contemplation comme une sorte de luxe, de relaxation ou de loisir pour occuper le temps libre passe complètement à côté du sens de l’ouverture de l’intelligence’ catholique qui est d’être le seul moyen véritable que nous ayons de glorifier Dieu.

 

 

Après la méditation

 

Simone Weil, Lettre 6, 26 mai 1942, « Dernières pensées », in L’Attente de Dieu, Paris, Editions Fayard, 1966, pp. 61-63. (http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/attente_de_dieu/attente_de_dieu_1966.pdf).

Les enfants de Dieu ne doivent avoir aucune autre patrie ici-bas que l’univers lui-même, avec la totalité des créatures raisonnables qu’il a contenues, contient et contiendra. C’est là la cité natale qui a droit à notre amour. … Notre amour doit avoir la même étendue à travers tout l’espace, la même égalité dans toutes les portions de l’espace, que la lumière même du soleil. Le Christ nous a prescrit de parvenir à la perfection de notre Père céleste en imitant cette distribution indiscriminée de la lumière. … Il faut être catholique, c’est-à-dire n’être relié par un fil à rien qui soit créé, sinon la totalité de la création. … Nous vivons une époque tout à fait sans précédent, et dans la situation présente l’universalité, qui pouvait autrefois être implicite, doit être maintenant pleinement explicite. Elle doit imprégner le langage et toute la manière d’être. … C’est presque l’analogue d’une révélation nouvelle de l’univers et de la destinée humaine. … Il y faut plus de génie qu’il n’en a fallu à Archimède pour inventer la mécanique et la physique. … Aujourd’hui ce n’est rien encore que d’être un saint, il faut la sainteté que le moment présent exige, une sainteté nouvelle, elle aussi sans précédent. … Le monde a besoin de saints qui aient du génie comme une ville où il y a la peste a besoin de médecins.